(Couplet 1)
Ses écailles s’enfoncent dans le sable bouilli,
Un reflet rose, bleu, vert s’étale sur ma rétine,
Échoué sur mon île, un monstre se repose,
Sous un soleil humide, il repose gentiment.
J’avance, prudente, vers sa silhouette putride,
Devrais-je le tuer ? Le vider, le manger ?
Mettre le cadavre dans un placard scellé ?
Quel drôle de martyr, le monstre aux dents vermeilles,
Le tuer je ne peux, il ressemble à mon père,
Il ressemble à ma mère, à mon fils et ma fille,
À ma sœur et mon frère, à toute chose familière.
J’avance, prudente, vers sa silhouette putride,
Devrais-je l’aimer ? Le gâter, le garder ?
Jeter la bête dans une cage dorée ?
(Refrain)
C’est lui, c’est lui,
C’est lui sur la plage,
Faites fi, faites fi,
Faites fi du langage,
Fuyez, fuyez,
Fuyez c’est plus sage,
Sucrés, salés,
Paieront l’apprentissage.
(Couplet 2)
Quelle drôle de vermine, le monstre aux dents vermeilles,
L’aimer je ne veux, il ressemble à mon père,
Il ressemble à ma mère, à mon fils et ma fille,
À ma sœur et mon frère, à toute chose asilaire.
Perdue en quarantaine, je suis une étrangère,
Sur mes terres, mon domaine, mon île, mon trésor,
En suis-je la gardienne, la souveraine ou la serve ?
Se pourrait-il alors que j’en sois prisonnière ?
Quel drôle de geôlier, le monstre aux dents vermeilles,
Le quitter je ne peux, il ressemble à ma mère,
Quelle drôle de beauté, le monstre m’émerveille,
Je rentre dans son jeu pour retrouver mes pairs.
(Refrain)
(Couplet 3)
Contre sa silhouette putride, je me suis étendue,
Ses écailles m’ont brûlée comme une armure rubis,
Son ventre était douillet comme un tapis de laine,
Puis quand il m’a souri, ses dents étaient vermeilles.
J’attends, patiente, contre sa silhouette putride,
Devrais-je l’appeler ? Lui parler, l’amadouer ?
Jouer un air au serpent démasqué ?
Je lui ai chuchoté mes écarts et mes peines,
Sous le soleil humide, il m’a pris les viscères,
Il m’a mâché la peau, le crâne et les vertèbres,
J’ai fini dans son ventre, son ventre dans la mer.
(Refrain)
(Couplet 4 :)
Comme une bouée vaine, il flotte vers le large,
Sans compas ni loi, s’est lancé à la baille,
Sous sa luette sale, j’entrevois en Tartare,
Mon île par sa gueule, une mer nous sépare.
« Mon monstre, mon beau monstre, car tu n’es qu’un beau monstre,
Qui as-tu avalé avant de me connaître ?
Dis-moi monstre des eaux, suis-je sucrée ou salée ?
Peux-tu me ramener chez mes sœurs et mes frères ? »
« Enfant ma bonne enfant, car tu n’es qu’une enfant,
Ni sucrée, ni salée, acide, voire amère,
Regarde ma pauvre agnelle, regarde sous tes pieds,
Tu n’es pas la première et n’es pas le dernière,
Dis au revoir à tes sœurs, à tes frères, et tes pairs,
Car jamais plus ma chère tu n’pourras t'évader »
C'est lui, c'est lui,
C'est lui sur la plage
Faites fi, faites fi,
Faites fi du langage,
Qui que vous soyez,
Évitez le rivage,
Si vous y voyez,
Un monstre anthropophage.